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France - Diplomatie : L'Afrique centrale sur
liste rouge ? |
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16.05.2012 -Durant
sa campagne électorale, lors de la présidentielle en
France, François Hollande, n'a pas fait de l'Afrique sa
priorité. Il n’a ni passé africain ni tropisme
tiers-mondiste et se présente en homme neuf. Il a
exprimé le souhait de mettre en place avec le continent
une relation « nouvelle, dépassionnée et durable ».
Autrement dit : rompre avec la Françafrique ou ce qu’il
en reste.
Désormais Président de la République, il devra pourtant
traiter d'urgence le dossier malien et celui des otages
au Sahel. |
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Me William Bourdon, avocat,
conseiller aux Droits
de l'homme du candidat François
Hollande |
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Par
ailleurs, les Chefs d'Etat africains
incontournables dans le jeu politique
hexagonal, tel Omar Bongo, ne sont plus là.
De quoi créer un espace dans lequel
s'engouffrent de nombreux opposants et
dirigeants du continent, notamment ceux
membres de l'Internationale socialiste (IS).
Ces derniers ont multiplié les initiatives
auprès de leurs camarades socialistes.
D'autres, ancrés à droite de l'échiquier
politique français, s'inquiètent. Tour
d'horizon.
Chefs d'Etat fréquentables
Plusieurs présidents africains attendent de
retirer les dividendes d'une alternance
élyséenne.
Membre de l'IS et proche de Stéphane Fouks,
patron d'Euro RSCG, Alpha Condé mise sur ce
scénario pour obtenir davantage de
mansuétude de Paris à son égard. |
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Mais le président guinéen, qui a installé le groupe
Bolloré sur le port de Conakry dans des conditions
contestées, devra apporter en contrepartie de vrais
gages démocratiques en organisant rapidement les
prochaines législatives.
Le Nigérien Mahamadou Issoufou, ami du député Arnaud
Montebourg et de Guy Labertit, ex-responsable Afrique du
PS, approché par de nombreux Africains malgré ses
positions pro-Gbagbo, demeure un allié naturel des
socialistes. Ceci ne l'empêche pas de réaffirmer l'enjeu
vital que représente Areva pour son pays. Intérêt loin
d'être remis en cause par François Hollande lors de leur
entretien à Paris, le 15 mars. Disposant d'un quasi
monopole sur l'uranium nigérien, le groupe nucléaire est
pourtant la cible privilégiée des pourfendeurs de la
politique africaine de la France...
Principal opposant au Centrafricain François Bozizé,
Martin Ziguélé, présent à Paris jusqu'à début juin, fait
de son côté le siège du PS, où il a notamment rencontré
Michel Braud, chargé des relations internationales rue
de Solférino. Autre membre de l'IS, Ibrahim Boubacar
Keïta, donné favori pour la présidentielle malienne
avant le putsch du 22 mars, est un proche de Martine
Aubry.
L'Afrique centrale sur liste rouge
La côte des régimes d'Afrique centrale risque,
inversement, de dévisser si le candidat socialiste
accède à l'Elysée, nonobstant la présence remarquée de
Laurent Fabius à Libreville, en février. Ses conseillers
jurent qu’il ne s’ingérera pas dans les affaires
judiciaires (biens mal acquis) et ne mettra pas en place
une diplomatie parallèle – à laquelle tous les
gouvernements, de droite comme de gauche, n’ont pourtant
jamais cessé d’avoir recours.
Après avoir étrillé Joseph Kabila lors de sa conférence
de presse du 25 avril, François Hollande charge
régulièrement les trois chefs d'Etat visés dans
l'Affaire des Biens mal acquis (BMA). Des interventions
directement téléguidés par l'avocat William Bourdon, son
conseiller chargé des droits de l'Homme...
A la question : « Que fera la France sur l'affaire des
biens mal acquis ? », lors d'une conférence de presse à
Paris, le 9 octobre dernier, François Hollande avait
répondu : « Si je suis élu président de la République,
je serai le garant de l’indépendance de la justice. Je
prends donc l’engagement de ne jamais faire obstruction
à des affaires judiciaires en cours. Je crois aussi dans
les vertus de la transparence. C’est pour moi un gage de
modernité et de démocratie... L’opacité des flux
financiers, en Afrique comme en Europe, est à l’origine
de pertes fiscales importantes pour nos deux continents.
Nous devons mieux réguler l’activité des multinationales
afin de nous assurer qu’elles respectent bien la
législation fiscale de chaque pays, mais aussi que les
fonds versés à tel ou tel Etat atteignent bien les
caisses du trésor national. »
Du côté togolais, c'est peu dire que la présence de Kofi
Yamgnane, l’ancien secrétaire d’État à l’Intégration de
François Mitterrand, dans le staff de campagne du
candidat socialiste irrite le palais de Lomé II.
Quant aux inoxydables Paul Biya et Idriss Deby, ils sont
en zone rouge, le second en raison de la disparition de
l'opposant Mohamed Mahamat Saleh. Ce dossier, suivi par
les sénateurs PS Jean-Pierre Sueur et Gaëtan Gorce, est
aussi entre les mains d'Hugo Sada au sein de l'OIF que
dirige Abdou Diouf, autre socialiste. Par le passé, Hugo
Sada a piloté la communication de Jean-Pierre Cot.
Incontournable Côte d'Ivoire
Alors qu'Alassane Ouattara est un intime de Nicolas
Sarkozy, François Hollande dispose de plusieurs
courroies de transmission avec la Côte d'Ivoire, à
l'instar de l'avocat Jean-Paul Benoît, qui lui fait
passer des notes succinctes sur l'Afrique. Ancien député
européen, celui-ci défend ADO et l'Etat ivoirien,
notamment à La Haye, dans le dossier Gbagbo.
Localement, le PS peut s'appuyer depuis début avril sur
l'ambassadeur Georges Serre, ex-monsieur Afrique du
ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine
(1997-2002). Jadis lié à Guy Penne, ancien conseiller
Afrique de François Mitterrand décédé en 2010, Blaise
Compaoré a pris soin d'étendre ses réseaux à gauche,
lors de la campagne de Ségolène en 2007. Il s'appuie
notamment sur des personnalités comme le maire de Lyon
Gérard Collomb. (Source : La Lettre du Continent, n°634,
3.05.2012) |
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Thomas
Hofnung signe : "Le scandale des biens mal acquis" Le
journaliste français revient sur la saisie des voitures de
luxe de Teodoro Nguema Obiang Mangue... |
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20.11.2011 - Ce matin, sur les
ondes d’ « Europe 1 », dans l’émission de Dominique
Souchier : « C’est arrivé demain », Thomas Hofnung,
journaliste français à « Libération », a présenté son
dernier livre : « Le scandale des biens mal acquis :
Enquête sur les milliards volés de la Françafrique ».
Dominique Souchier :
Alors, le scandale des Biens mal acquis, qu’est-ce que
c’est ? Qui est visé ?
Thomas Hofman : Ce sont des dirigeants africains très
proches de la France et qui depuis des années sont
soupçonnés de détourner des fonds publics pour acheter
des biens immobiliers à Paris, sur la Côte d’Azur,
également des voitures de luxe, et qui ont des comptes
bancaires en France, en pagaille…
DS : Quels chefs
d’Etats principalement ?
TH : Alors, c’était d’abord Omar Bongo, président du
Gabon, décédé en 2009, et qui a été remplacé par son
fils, Ali Bongo ; le président du Congo-Brazzaville,
Denis Sassou-Nguesso ; puis un dirigeant moins connu,
mais pas moins intéressant, Teodoro Obiang Nguema qui
est le président de la Guinée équatoriale.
DS : Alors, ce qui
est intéressant, c’est que la justice française s’est
saisi de cette affaire-là et qu’elle instruit vraiment,
et dans votre livre vous racontez comment, à la suite de
quel combat judiciaire, mené notamment par des
associations : Sherpa, Transparency International, avec
un avocat, William Bourdon, et avec une décision finale
de la Cour de cassation qui a déclaré compétents les
tribunaux à juger cette affaire. Et là, vous dites que
c’est un véritable « big bang » judiciaire…
TH : Oui, c’est une première que la Cour de cassation
autorise une association du type de Transparency
International à se porter partie civile... C’est une
première et cela ouvre de grandes perspectives pour
d’autres associations de ce type dans d’autres affaires
de corruption. Cette procédure, si vous voulez, c’est
comme un accident de l’histoire : L’affaire s’est
ouverte presque en catimini sous la forme d’une enquête
préliminaire, au moment même où Nicolas Sarkozy arrivait
à l’Elysée…
DS : Là, les
policiers ont vraiment travaillé, hein, ils ont fait du
très bon travail, ils ont découvert des choses…
TH : Oui, ils ont fait leur travail, puis le Parquet et
la Chancellerie, sans doute en se rendant compte des
dégâts diplomatiques que pouvait faire une telle
affaire, a voulu la classer sans suite, mais cela a
rebondi, et de péripétie en péripétie, le dossier est
parvenu devant la Cour de cassation qui, en novembre
2010, a jugé recevable la plainte des ONG et qui a
autorisé la poursuite de cette enquête. Nous n’en sommes
qu’au début et nous allons certainement vers d’autres
révélations… et, au final, peut-être un scandale du
type « Elf ».
DS : Le 28 septembre
dernier, c’est donc tout récent, pouvez-vous raconter ce
que les policiers ont découvert quand ils sont entrés au
42 avenue Foch…
TH : Mercredi 28 septembre, à 8 heures 30, cinq
policiers en civil, rejoints rapidement par une
quinzaine de leurs collègues en tenue, ont débarqué au
numéro 42 de la prestigieuse avenue Foch dans le
seizième arrondissement de Paris. Ce bien immobilier
était passé un peu inaperçu aux yeux des policiers lors
de leur enquête préliminaire. Avec ses 6 000 mètres
carrés dans le quartier le plus cher de Paris, c'est une
propriété qui défie l’imagination…
DS : Et qui
appartient à qui ?
TH : Qui appartient à la famille Obiang…
DS : Et dans la cour
de l’immeuble particulier, qu’y avait-il ?
TH : Une collection de voitures de luxe. Toute la
journée, les policiers ont photographié, noté les
numéros de châssis, fouillé les véhicules de fond en
comble. Cela a pris du temps : ils ont saisi onze
véhicules avenue Foch et cinq autres avenue Victor Hugo,
à deux pas de là. Et quels véhicules ! Des Bentley,
Aston Martin, Maserati, Porsche Carrera, Mercedes
Maybach, Ferrari, une Bugatti Veyron, une des voitures
les plus chères au monde, peut-être la plus chère…
DS : Un million d’euros, elle fait du 400 km/h…
TH : Les policiers ont donc saisi toutes ces voitures,
les ont fait monter sur un camion à plateaux en prenant
de grandes précautions vue la valeur
de ces voitures… |
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Septembre 2011-
Avenue Foch - La police française embarque une Maserati de
Teodoro Nguema Obiang Mangue |
Eté 2006 -
Saint-Tropez (Côte d'Azur, France) :
Teodoro Nguema Obiang Mangue au volant de sa
Maserati |
DS : Et à
qui appartenaient-elles ?
TH : Au fils Obiang, qui vient de temps en temps à Paris en
jet privé. Qui n’y reste que quelques jours, ce qui veut
dire que ce luxueux immeuble particulier, cette immense
propriété de l’avenue Foch, est la plupart du
temps inhabitée.
DS : Merci Thomas
Hofnung. Votre ouvrage « Le scandale des
biens mal acquis », que vous cosignez avec Xavier Harel, sera
publié cette semaine aux Editions « La
Découverte »… (Source : Europe 1) |
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Après celui
commis par Human Rights Watch (« Well
Oiled, Oil and Human Rights in Equatorial Guinea »,
9 juillet 2009), c’est au tour d’un rapport de l’ONG
anglaise Global Witness d’épingler les cercles
dirigeants de la Guinée-Equatoriale, pétrodictature du
Golfe de Guinée produisant 400 000 barils de brut/jour,
majoritairement pour le marché américain.
L’enquête de Global Witness (« The
Secret Life of a Shopaholic : How an African dictator’s
playboy son went on a multi-million dollar shopping
spree in the U.S »,
17 novembre 2009) confirme surtout la présence d’un
maillon faible parmi les personnalités africaines
dénoncées dans l’affaire des « biens mal acquis » :
Teodoro Nguema Obiang Mangue, alias Teodorin, alias TNO,
fils du président d’un pays qui a tout de « la
caricature de kleptocratie pétrolière », pour
reprendre les propos du journaliste américain Peter
Maas, auteur du livre Crude World, the violent
Twilight of Oil (Randomhouse).
Détournant les revenus publics tirés de
l’exploitation du bois précieux puis, à partir des
années 2000, ceux ramenés par l’extraction du pétrole,
le cercle familial des Obiang aurait amassé une fortune
estimée entre 500 et 700 millions de dollars. 76% de la
population – malgré un PIB officiel par habitant de
29 882 dollars – continuerait à vivre sous le seuil de
pauvreté.
L’affaire
des « biens mal acquis »
a été lancée en France en 2007 par trois associations
spécialisées dans la défense des droits de l’homme.
Survie, Sherpa et la Fédération des Congolais de la
Diaspora alléguaient que des familles dirigeantes de
plusieurs Etats pétroliers d’Afrique équatoriale – du
Gabon à la Guinée-Equatoriale en passant par le Congo
Brazzaville – avaient acquis pour plusieurs millions
d’euros de biens sur le territoire français, moyennant
transferts illicites d’argent public entre les comptes
nationaux et leurs comptes personnels, le tout sur fond
de soupçon de corruption et d’octroi de rétrocommissions.
En 2007, rappelle Global Witness, « une enquête de
la police française a montré que TNO possédait de
multiples comptes en France dans des banques telles que
Barclays, la BNP, Paribas et HSBC, comptes utilisées
pour acheter une Ferrari 550 Maranello ainsi qu’une
Ferrari 512M. Les
autres voitures achetées en France incluaient deux
Maseratis, une Rolls Royce et plusieurs Bugattis valant
chacune plus d’1,5 million de dollars.
Selon Tracfin, la cellule française de
lutte antiblanchiment, ces flux mis en exergue étaient
susceptibles de traduire le blanchiment du produit d’un
détournement de fonds publics ».
La plainte des ONG françaises avait été classée à deux
reprises par le parquet de Paris, qui jugeait les
infractions « insuffisamment caractérisées ».
Un an plus tard, c’était au tour de l’ONG anticorruption
Transparency International de se porter partie civile
pour « recel de détournement de fonds publics ».
Elle était finalement déboutée fin octobre 2009 par la
cour d’appel de Paris, qui refusait d’ouvrir une enquête
voulue par Françoise Desset, doyenne des juges du pôle
financier de Paris. (« La
justice refuse d’ouvrir une enquête dans l’affaire des
biens mal acquis »,
Le Monde, 29 octobre 2009).
Le rapport de Global Witness consacré aux dépenses sur
le sol américain de TNO, ministre de l’agriculture et
des forêts officiellement rémunéré 4 000 dollars par
mois, met cette fois-ci la justice américaine face à ses
obligations. Il révèle non seulement « une
spectaculaire défaillance morale chez certaines
banques », mais aussi et surtout « une
troublante chaîne de lacunes dans le cadre de la mise en
œuvre [par les Etats-Unis] des lois antiblanchiment ».
Malgré les faisceaux d’indices concernant l’origine
délictueuse de plus de 73 millions de dollars de
virements effectués vers des comptes ouverts dans des
banques américaines, Teodorin Obiang continuerait de
fait à se rendre régulièrement aux Etats-Unis. Il aurait
ainsi été présent lors de l’inauguration, fin septembre,
du consulat de Guinée-Equatoriale à Houston, hub
des compagnies pétrolières, majors et indépendantes,
travaillant avec la dictature du golfe de Guinée. Devenu
un personnage de la presse people américaine depuis sa
relation tumultueuse avec la rappeuse Eve et ses
frasques « bling bling » dans les boutiques de Beverly
Hills, TNO se rendrait aussi régulièrement dans sa
demeure de Malibu acquise pour 35 millions de dollars.
Pourtant, note Global Witness, au titre d’une loi
fédérale et d’une proclamation présidentielle de janvier
2004 – la 7750 –, les Etats-Unis peuvent refuser au cas
par cas d’accorder un visa à tout officiel étranger et à
son cercle familial dès lors qu’il existe des soupçons
crédibles de pratique de corruption.
Ce qui est le cas de TNO : un mémorandum du Département
de la Justice américain, daté de septembre 2007, et
obtenu par le New York Times (« Taint
of Corruption Is No Barrier to U.S. Visa »,
par Ian Urbina, 16 novembre 2009), atteste que
Washington pensait alors que les revenus de monsieur
Obiang étaient dérivés « d’extorsions, de vols de
fonds publics et autres pratiques corrompues ». Une
autre enquête, initiée par le bureau de Miami du
Immigration And Customs Enforcement (Bureau
d’immigration et du contrôle des douanes, ICE, dépendant
du département de la Homeland Security, le ministère de
la sécurité intérieure), précise que TNO aurait
plusieurs fois voyagé vers le territoire américain avec
plus d’un million de dollars en espèces, infraction pour
laquelle il pourrait logiquement écoper d’une peine de
cinq ans de prison. En 2007, alors que démarrait
l’affaire des « biens mal acquis », l’ICE aurait
transmis ces informations à la justice française dans le
cadre d’une commission rogatoire internationale destinée
à tracer l’origine des virements internationaux faits
sur les comptes de TNO et de ses proches.
Derrière le rapport de Global Witness, on retrouve le
journaliste américain d’investigation
Ken Silverstein,
déjà à l’origine de plusieurs révélations
retentissantes. Lorsqu’il écrivait encore pour le
Los Angeles Times, le journaliste du Harper’s
avait mis en lumière, avec son collègue T. Christian
Miller, les relations « particulières » entre la
présidence de l’ancienne colonie espagnole, le
département d’Etat américain, les compagnies pétrolières
US et certaines banques américaines. Des informations
qui avaient amené le Sénat à initier une commission
d’enquête destinée à tracer l’origine de 35 millions de
dollars de mouvements de capitaux suspects virés sur un
compte de la banque Riggs ouvert au nom du chef d’Etat
équato-guinéen. Laquelle avait détaillé comment le
président Obiang avait siphonné la richesse pétrolière
du pays pour financer de nombreuses transactions
personnelles sur le sol américain « Riggs
Bank, blanchisseuse des dictateurs »,
par Alain Astaud, Le Monde diplomatique, août
2005). La banque Riggs avait alors été fermée, après
avoir été condamnée à payer une amende de 25 millions de
dollars pour avoir violé la loi, de façon
« délibérée et systématique ».
Par la suite, cependant, le clan Obiang avait poursuivi
ses troubles affaires. Selon le Fonds monétaire
international (FMI), la Guinée-Equatoriale garderait
ainsi deux milliards de dollars des recettes du
gouvernement dans des banques commerciales à l’étranger.
« Les leçons de Riggs ne semblent pas avoir été
retenues », notait un précédent rapport de Global
Witness (« Guinée-Equatoriale :
des élites amassent les recettes de pétrole, selon un
rapport »,
par Marina Litvinsky, agence IPS, 10 juillet 2009).
Teodorin, en particulier, aurait fait transférer entre
avril 2005 et 2006, via la Banque de France, quelque
73 millions de dollars sur des comptes américains
(ouverts dans des agences de la Wachovia, Bank of
America et UBS). Une fortune que des documents
judiciaires américains estiment avoir été détournée à
partir de taxes « révolutionnaires » établies sur
l’exploitation du bois équato-guinéen par la Somagui
Forestal, société appartenant à TNO.
Une pratique courante en Guinée-Equatoriale, si l’on en
croit le propre témoignage de TNO devant la Haute Cour
de la République d’Afrique du Sud. En 2008, « une
entreprise de construction sud-africaine avait en effet
tenté de saisir deux villas [appartenant à TNO] au Cap
pour se faire rembourser 5 millions de livres sterling
dus par la Guinée-Equatoriale », rappelle une
enquête du quotidien économique La Tribune (« Argent
public à usage privé »,
4 décembre 2008) : « Le plaidant arguait que les
deux demeures étaient forcément la propriété de l’Etat
équato-guinéen, les émoluments officiels du fils du
président étant insuffisants pour s’offrir deux villas
évaluées à plus de 3 millions de dollars chacune. Dans
une déposition écrite, Teodoro Obiang Nguema a expliqué
que, dans son pays, les ministres créaient des sociétés
communes avec les entreprises qui se voyaient attribuer
les contrats publics. En conséquence, a-t-il ajouté, un
ministre finit avec une part importante du contrat sur
son compte en banque. »
« Il est presque certain que le gouvernement
français, tout comme le gouvernement américain, n’ont
aucunement envie de traiter le cas embarrassant de
Teodorin, nous explique
Ken Silverstein. Ils paraissent tous deux tolérer sa
bouffonnerie et ses pratiques corrompues, malgré
l’accumulation de preuves attestant de son
indélicatesse. Pas la peine d’être un génie en
géopolitique pour comprendre que tout cela a une odeur
de pétrole. » Lors de son discours d’Accra du
11 juillet 2009, le président américain Barack Obama
avait noté qu’« aucun pays ne peut créer de richesse
si ses dirigeants exploitent l’économie pour s’enrichir
personnellement. (…) Personne ne veut vivre
dans une société où la règle de droit cède la place à la
loi du plus fort et à la corruption. Ce n’est pas de la
démocratie, c’est de la tyrannie, même si de temps en
temps on y sème une élection ça et là, et il est temps
que ce style de gouvernement disparaisse ».
Or, si la 7750 semble avoir été appliquée des douzaines
de fois depuis sa promulgation en 2004, le fils du
dictateur équato-guinéen paraît avoir été étrangement
épargné pour des questions qui ont clairement lien au
pétrole. Dans un article qui fait suite à la publication
du rapport de Global Witness, le New York Times
cite ainsi les propos de John Bennett, ancien
ambassadeur des Etats Unis à Malabo de 1991 à 1994.
Comparant la mansuétude de l’administration américaine à
l’égard de TNO avec l’interdiction de se rendre aux
Etats-Unis qui pèse sur plusieurs figures du
gouvernement de coalition zimbabwéen, M. Bennett
souligne que si les officiels de ce dernier pays
« avaient autant de pétrole que la Guinée-Equatoriale,
ils ne seraient pas bloqués par les Etats-Unis ».
« Il faudrait que l’on ait des victimes directes
pour poursuivre notre action, mais elles se sentent
menacées », explique
Odile Tobner, présidente de l’association Survie. En
attendant que les ONG plaignantes retrouvent des
financements leur permettant de poursuivre leur combat,
verra-t-on la France et les Etats-Unis hausser le ton, à
l’issue d’élections présidentielles pliées d’avance et
que Teodoro Obiang a promis de remporter avec un score
de… 97% ? La pluie de rapports à charge contre le régime
équato-guinéen peut laisser espérer un ton moins
conciliant que d’habitude.... mais on peut quand même en
douter. A l’instar d’Ali Bongo pour le Gabon, TNO est en
effet pressenti pour remplacer son père à la tête du
pays. Or, si les milieux d’affaires américains ont la
mainmise sur deux tiers des réserves pétrolières de la
Guinée, la France n’est pas en reste. Malgré un
« niveau de corruption qui a atteint des sommets »,
les investisseurs français s’accrochent. « Les
entreprises qui restent, quelle que soit leur notoriété
ou leur poids financier, Bouygues ou d’autres encore,
doivent accepter des conditions toujours léonines.
Délais de paiement extraordinairement longs et “passage
obligé” chaque mois devant une “commission des
paiements” pour se faire délester d’exorbitants “jetons
de présence” », note l’hebdomadaire Les
Afriques (« Le
chassé-croisé des compagnies »,
février 2009). Paris sert aussi de médiateur officieux
entre Libreville et Malabo concernant le différend
territorial opposant les deux pays à propos des îlots de
Mbanié et Corisco. C’est à bord d’un Falcon 900 piloté
par un équipage français que le président équato-guinéen
se rendrait à l’étranger. Et, selon la Lettre du
Continent : « S’il préfère les Marocains et les
Israéliens pour assurer sa sécurité, le président
Teodoro Obiang Nguema est plus à l’écoute de conseillers
français qu’espagnols pour les dossiers économiques et
financiers. ».
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Avec Hollande, la fin
de la Françafrique ? |
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11.05.2012 |
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Les Africains auraient-ils le coeur à gauche?" s'était
interrogé le
portail d'information Gabonlibre
pendant la campagne présidentielle française en raison
de l'enthousiasme sur le continent qu'avait globalement
suscité la candidature de François Hollande. "Pour
toutes ces raisons liées à l'histoire et à la
géographie, rien de ce qui se passe dans l'Hexagone ne
nous est indifférent. Surtout l'élection présidentielle
pour laquelle, consciemment ou non, le coeur et la
raison des Africains ont voté pour Hollande", lui avait
répondu le
portail d'information
sénégalais Rewmi.
Le site Camer.be,
qui cite le quotidien "Le Pays", commente : "C’est un
fait que les Africains francophones sont devenus très
friands des grands rendez-vous électoraux français. Le
scrutin présidentiel en particulier polarise
l’attention. Sur le continent, beaucoup se laissent
volontiers gagner par l’ivresse de ces échanges
radio-télévisés, au point d’être frustrés lorsque
l’Afrique n’y apparaît pas comme étant une priorité. A
croire que nécessairement, le vainqueur de ces joutes
oratoires, serait le messie appelé à sauver le continent
de la mal gouvernance ! Pourquoi donc ce regard
constamment tourné vers les autres ? Pourquoi toujours
attendre que le salut vienne de la France en particulier
?"
Après cinq ans de sarkozysme, le nouveau président
français cristallise de nombreuses attentes en Afrique,
notamment sur la fin de la fameuse Françafrique. Rewmi,
le portail d'information sénégalais, titrait "François
Hollande président. Un nouvel espoir pour l'Afrique".
Principales raisons de cet engouement? "Il a redonné un
peu d'espoir aux Africains en se montrant favorable à
l'accueil des étudiants étrangers et en s'engageant à
réduire les délais d'attente de l'examen des dossiers
concernant les demandeurs d'asile", explique le site.
"Avec l'arrivée au pouvoir de la gauche, certains
observateurs des relations franco-africaines espèrent
que le nouveau président donnera un visage différent des
relations historiques", soulignent
Les Dépêches de Brazzaville.
Le quotidien congolais y cite notamment de nombreuses
ONG telles que Transparency International, Sherpa,
Survie ou encore Agir "interprétant les proses de
Hollande comme un signal visant quelques chefs d'Etats
africains tels que Denis Sassou-Nguesso du Congo, le
défunt Omar Bongo Ondimba du Gabon et Teodoro Obiang de
Guinée Equatoriale, qui font l'objet d'enquêtes
judiciaires en France".
Dans un autre article sur le
sujet, Les Dépêches de Brazzaville rappellentque
"les capitales africaines attendent un partenariat plus
équilibré avec Paris" et souhaitent de François Hollande
qu'il "mette fin aux relations d'influence opaques entre
la France et ses ex-colonies de Françafrique"
Du côté du Togo,
le quotidien Le Pays s'interroge.
Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 1991, avait promis à
Alain Juppé de ne pas se représenter en 2015. "Est-ce
qu'avec François Hollande ce que Blaise Compaoré avait
dit à Juppé sera respecté ? A chaque élection française,
les Africains ont toujours cru à une rupture de la
politique franco-africaine. Malheureusement, tel n'a
jamais été le cas puisque ce sont les gouvernements
français, de gauche ou de droite qui défont toujours les
régimes en Afrique". François Hollande a donc du pain
sur la planche. Il est notamment attendu dès maintenant
sur la fermeture, promise pendant sa campagne, de la
cellule africaine de l'Elysée, symbole de la
Françafrique qui perdure depuis Charles de Gaulle.
Pour
le site d'information Gabon
libre"il serait
illusoire d'attendre l'irruption d'un quelconque deus ex
machina, fût-il nommé Hollande, comme tentent de le
croire très naïvement bon nombre d'Africains du
continent et de la diaspora..." (Source :
Courrier international - Julia
Küntzle)
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Biens mal acquis : pourquoi le mal perdure ? |
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Après la mise en
lumière des affaires de biens mal acquis, beaucoup
croyaient que ces scandales allaient s’arrêter. Il
n’en est rien puisque de nouvelles affaires ont été
révélées récemment. Dans cette contribution, Sali
Bouba Oumarou, analyste sur UnMondeLibre.org, nous
explique les raisons derrière la persistance de ce
mal.
Les
scandales ayant entouré la mise en lumière des
affaires des biens mal acquis ont laissé penser que
les élites africaines incriminées allaient faire
profil bas sur ces pratiques qui contribuent à
appauvrir les Etats. Malheureusement il n’en est
rien. Le mal est toujours aussi profond. En témoigne
la
saisie le 14 février dernier,
de près de 200m3 d’objets de valeurs appartenant au
fils du président de la Guinée équatoriale. La même
personne chez qui la justice française avait saisi
quelques mois plutôt11
voitures de luxe.
Ces pratiques consistant à user des ressources
publiques à des fins privées dans la sphère interne
ou externe contribuent inlassablement à fragiliser
la gouvernance des Etats Africains. Des facteurs
endogènes et exogènes nous permettent d’avancer
l’idée que la saga des biens mal acquis est loin de
connaître une fin.
Au niveau
endogène, force est de constater que les
détournements de biens publics à des fins privées
par l’élite au pouvoir restent favorisés par
l’absence de véritable contrepouvoir, de mécanisme
de reddition de compte, et des hésitations de la
société civile à jouer son rôle de dernier rempart
contre les abus des détenteurs de l’autorité de
l’Etat.
Jusqu’ici les
pays africains, régulièrement cités (Angola, Gabon,
Guinée Equatoriale, Congo) dans le cadre du scandale
des « biens mal acquis » partagent certaines
similitudes. Ils disposent tous d’une économie
rentière (pétrole) et se caractérisent par un
déficit de gouvernance institutionnelle. Il reste
constant que, dans l’ensemble des États touchés par
ce phénomène, les institutions censées jouer le rôle
de contre-pouvoir légal et légitime, et représenter
les aspirations du peuple, ressemblent davantage à
des boites d’enregistrements qu’à des véritables
contre-pouvoirs.
Il en est
ainsi par exemple des parlements et des appareils
judiciaires qui restent largement inféodés à
l’exécutif. En Guinée Équatoriale, le parti au
pouvoir avec ses alliés disposent de 99 sièges sur
100. L’opposition est représentée par un seul
député. Dans une telle configuration, à laquelle il
convient d’ajouter le mandat impératif implicite (la
désobéissance aux instructions et aux directives du
parti sont considérées comme fautes graves) qui
découle de la pratique législative depuis
l’avènement de l’indépendance, comment imaginer le
parlement s’opposer au désir du prince ou jouer son
rôle de contrôle de l’action du gouvernement, et
partant, de l’élite au pouvoir ? Il va de soi alors
que le prince dispose d’un pouvoir absolu sur les
moyens de l’Etat.
Du coté du
Congo Brazzaville, le système judiciaire reste
marqué par une forte corruption. La justice est
classée avec le secteur des douanes parmi les
services les plus corrompus du pays (2009-2011). En
outre, l’exécutif, par le biais du ministère de la
justice et du président de la république, assure une
tutelle injonctive sur l’appareil judiciaire. C’est
ainsi par exemple que le président de la République
du Congo en 2008 a mis à la retraite des magistrats
sans respect des critères légaux de mise à la
retraite. Ainsi donc, les institutions censées jouer
le rôle de contre-pouvoir ressemblent plus à des
huiles essentielles qu’à autre chose. Dès lors, il
est facile pour l’élite au pouvoir de faire main
basse sur les richesses du pays, la rente du pétrole
en l’occurrence. Les révélations de l’Affaire Elf en
disent long à ce propos.
Le second
élément au niveau endogène, qui nous fait dire que
l’affaire des biens mal acquis a encore de beaux
jours, est l’hésitation de la société civile
africaine à jouer son rôle de dernier rempart contre
les abus des détenteurs de l’autorité de l’Etat.
Sans la vigilance et l’activisme des ONGs du Nord et
d’associations africaines basées hors du continent,
jamais la lumière n’aurait été faite sur ces
pratiques. La braise a été allumée par le rapport de
l’ONG CFFTD Terre solidaire dont le titre à lui seul
donnait le ton : « Biens mal acquis... profitent
trop souvent - La fortune des dictateurs et les
complaisances occidentales ». Et depuis lors, aucun
mouvement d’organisation de la société civile dans
les États incriminés par le scandale des biens mal
acquis n’a joué le rôle ou ne joue le rôle « d’état
de veille » contre ce phénomène. Ce sont toujours
les ONGs du Nord qui continuent à défendre une cause
qui devrait être défendue d’abord par les peuples
concernés. Ce qui n’est pas sans apporter de l’eau
au moulin de la thèse de l’exceptionnalisme
occidental en matière d’organisation et de
fonctionnement de la société civile.
Enfin, au
niveau exogène, les pratiques de détournement des
biens publics à des fins privées par l’élite au
pouvoir restent favorisées par les complaisances
occidentales, les soutiens politiques dont
bénéficient les personnes incriminées dans les
hautes sphères des États où ils investissent une
part importante des sommes ainsi détournées. C’est
ainsi que via la fameuse nébuleuse « Françafrique »,
les élites des pays francophones pointés du doigt
dans le cadre des « biens mal acquis » ont toujours
bénéficié d’un soutien implicite au niveau des
hautes sphères de décision française. Concrètement,
ces soutiens se sont traduits par les entraves au
processus judiciaire enclenché depuis 2007. Le
Parquet, qui n’est rien d’autre que le prolongement
de l’exécutif au sein de l’appareil judiciaire,
mettra fin aux poursuites par deux fois. Ce qui
soulève ici une autre question : celle de
l’indépendance de la justice française. Une
indépendance affirmée, mais de moins en moins vécue,
à en juger par le projet de réforme de la justice,
il est vrai, actuellement gelé, visant à supprimer
le juge d’instruction (magistrat disposant de plus
d’indépendance par rapport aux magistrats du Parquet
qui restent liés à l’exécutif).
En 2007 le
Président Sarkozy avait promis une « rupture » dans
ces relations opaques entre la France et l’Afrique,
rupture qui n’a pas vraiment eu lieu. La possible
alternance politique en mai en France
changera-t-elle la donne ?
Sali
Bouba Oumarou est analyste sur
www.UnMondeLibre.org.
Lire
aussi :
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